Impacts sur la santé
Comme vu dans l’introduction, l’assainissement de l’eau fut une étape obligatoire dans l’éradication des maladies, au même titre que la cuisson des aliments. Cependant, comme de récentes études tendent à montrer que la cuisson de la viande à haute température n’a pas que des effets bénéfiques et pourrait même être responsable de l’apparition de cancer , dans cette continuité, des études commencent à mettre en évidence un lien entre la chloration de l’eau, l’apparition de cancer de la vessie et l’apparition de malformation congénitale[NIEUWENHUIJSEN, Mark J.,2008…].
En effet, lors de la désinfection de l’eau potable des sous-produits sont créés non intentionnellement lorsque le désinfectant dans notre cas, le chlore rentre en contact avec de la matière organique ou des contaminants. Les trihalogénométhanes et les acides haloacétiques en font partie. Ce sont ces deux derniers qui sont particulièrement pointés du doigt concernant leurs dangerosités pour la santé. En effet, Le Centre international de Recherche sur le Cancer, l’agence spécialisée dans le cancer de l’Organisation Mondiale de la Santé classe ces sous-produits comme des cancérigènes possibles[IARC,…]. En effet, plusieurs études démontrent que le chlore et ses sous-produits jouent un rôle dans l’altération de l’intégrité de cellules transgéniques bactériennes, de mammifères et de cellules humaines[NIEUWENHUIJSEN, Mark J.,2009,The epidemiology…], une étude a observé que le ratio entre des hommes développant un cancer de la vessie et ayant été exposé à des taux de trihalogénométhanes supérieurs à 50 μg/l était significativement supérieur à ceux exposés à des taux inférieurs ou égaux à 5 μg/l. Il a aussi été observé une tendance linéaire significative entre les risques de cancer et l’exposition aux trihalogénométhanes. En effet, on observe une augmentation significative des risques pour des niveaux d’exposition supérieurs à 25 μg/l et avec plus de 30 ans d’exposition à l’eau chlorée, cependant le risque serait plus déterminé par les niveaux d’exposition que par leur durée[Costet N,2011,…]. Aussi, en France, 737 cas de cancer de la vessie et 5711 en Europe seraient attribués aux trihalogénométhanes en 2016.
On remarque que pour un pays comme la France avec des taux moyens relativement faibles de trihalométhanes (11.7 μg/L). Le pourcentage de cas de cancer de la vessie attribuable aux trihalométhanes sur le nombre de cas de cancer de la vessie total est de 4.6% contre 10.9% en Espagne par exemple ou le taux moyen de trihalométhanes est de 28.8 μg/L.
Malheureusement les dégâts de la chloration ne s’arrêtent pas qu’aux cancers, en effet d’autres études font un lien entre la chloration de l’eau potable, et des problèmes de croissance, voire de malformation chez les nouveau-nés. En effet, une étude a mis en évidence que des taux de trihalogénométhanes >15μg/L avaient pour effets d’augmenter les chances d’observer des fœtus petits pour leur âge gestationnel contrairement à ceux exposés à 5μg/L ou moins[SÄVE-SÖDERBERGH, Melle,2020,…].
Pour ce qui est des anomalies, une étude met en évidence le lien entre les sous-produits de la chloration et une augmentation des risques de malformation septale ventriculaire, fente palatine et anencéphalie[HWANG, Bing-Fang,2008,…]. Cependant, une méta-analyse sur les sous-produits de désinfections et les anomalies congénitales met en perspectives ces résultats[NIEUWENHUIJSEN, Mark J., octobre 2009,Chlorination Disinfection By-Products…]. En effet, en comparant une quinzaine d’études, même si des études trouvent individuellement des liens entre les sous-produits et des malformations congénitales, notamment pour des malformations septales ventriculaires, aucun lien statistiquement significatif n’a été trouvé lorsque tous les résultats de ces études sont mis en commun entre l’exposition aux sous-produits de désinfections et l’apparition de malformations congénitales.
Au même titre que la chloration de l’eau potable, la chloration des piscines est le moyen le plus répandu de désinfection. Et comme dans l’eau potable quand le chlore réagit avec des composés organiques, les sous-produits de chloration sont créés. Dans une étude menée sur des rats, auxquels on a appris à nager, 24 rats furent divisés en 2 groupes contrôles, l’un nageait dans de l’eau purifiée et l’autre dans de l’eau purifiée et chlorée, et ce, 1 fois par jour, 5 fois par semaine, pendant plusieurs semaines. Les rats du groupe nageant dans de l’eau chlorée ont vu au cours de l’expérience leurs yeux devenir de plus en plus rouges, la plupart avaient aussi des taches de sang dans les yeux ainsi que sur leurs museaux à la fin de l’expérience, enfin leur fourrure est devenue de plus en plus sèche et terne au fur et à mesure de l’expérience et une importante perte de poils était observée chez ces rats à la fin de l’expérience[LI, Jiang-Hua ,2015 ,…].
Pour ce qui est de l’exposition aux sous-produits de chloration dans les piscines chez l’homme, les cas d’étude exposés de manière répétée ne manquent pas. Une étude comparant des employés travaillant dans des piscines publiques et des employés travaillant dans des bureaux a mis en évidence que les employés de piscine soumis à des taux de trichloramines supérieurs à 20 µg/m3 avaient un risque plus élevé de développer des inflammations respiratoires[WESTERLUND, Jessica, 2019,…].
Qui plus est, une étude a mis en évidence que l’entraînement répété dans des piscines d’intérieur à un jeune âge pouvait être responsable du développement d’asthme chez l’enfant, favoriser le développement d’allergie et même le développement d’eczéma.
Cependant, le sixième objectif de développement durable de L’ONU est « Garantir l’accès de tous à des services d’alimentation en eau et d’assainissement gérés de façon durable » et pour l’instant la méthode la plus reconnue et développée est la chloration. Car même si la chloration de l’eau amène des effets secondaires négatifs sur la santé, le non-traitement de l’eau lui est encore plus dangereux. En effet, l’eau est le principal vecteur de maladie comme le choléra, la diarrhée, la dysenterie, l’hépatite A, la fièvre typhoïde et la poliomyélite. C’est près de 2 milliards de personnes dans le monde qui n’ont pas accès à l’eau potable assainie. Il est estimé que plus de 829 000 personnes meurent de diarrhée à cause de l’insalubrité de l’eau potable et du manque d’assainissement et d’hygiène[Eau potable,…]. Ces morts pourraient en majorité être évitées par l’utilisation de chlore en effet, une étude menée sur 36 villages ruraux de l’est de l’Éthiopie sur des foyers comportant au moins un enfant de moins de 5 ans a montré des risques de diarrhée plus faible chez un groupe test qui recevait un traitement des eaux à base de chlore comparé au groupe contrôle qui lui n’avait pas de traitement de l’eau.
Ils ont pu observé une chute du nombre de diarrhées pour le groupe ayant reçu un traitement chloré. Avec à la fin de l’étude 4.5 épisodes/100 personnes par semaine d’observation chez le groupe test contre 10.4 épisodes/100 personnes par semaine d’observation chez le groupe contrôle[MENGISTIE, Bezatu,2013,…]. De manière générale, la majorité des études arrive à la conclusion que la désinfection de l’eau a pour effet de diminuer drastiquement le développement d’épidémie de diarrhée chez les enfants de moins de 5 ans, mais aussi chez les adultes. Il est cependant généralement plus efficace d’assainir directement à l’arrivée d’eau dans une maison que d’assainir à la source de l’eau[CLASEN, Thomas F.,2009,..]. Il est à noter que ce dernier résultat est souvent dû à la vétusté des installations, notamment les réseaux de tuyaux endommagés qui permettent l’intrusion de contaminant ou d’eau usée dans le réseau[MOREIRA, N. A.,2016].